Lettre à Robert Paragot (24 octobre 1968)

Bruxelles, le 24 octobre 1968

 

Mon cher Robert,

J’espère que tu vas bien.
Fichu été ! J’ai quitté Cham le 18 août, malgré le retour du beau temps. Il y avait trop de neige. J’ai pensé que même les courses de neige ne seraient pas praticables sans danger avant plusieurs jours. Peu après, un camarade (Jacky Fourrier) s’est d’ailleurs tué à la Poire. Je choisis les plus mauvaises périodes pour venir à Cham : juillet 1965 et cette année-ci ! Cette année j’ai quand même finalement pris goût à ce terrain mixte et je reviendrai certainement l’année prochaine.
En novembre 1964, j’avais décliné ton invitation à entrer au GHM, à cause de mon absence d’activité « haute montagne ».
Depuis lors, j’ai un peu complété mon activité, moins que je l’aurais désiré, vu le mauvais temps. Mais ce n’est qu’un début ! Si les conditions d’admission n’ont pas été rendues plus sévères depuis lors, je t’avoue que je serais heureux d’être admis au Groupe. Bien entendu je ne considèrerais pas cette admission comme une fin de carrière, mais comme un bivouac à mi-paroi !
Je commence à comprendre ce que sont les conditions en haute montagne : il y a trois ans, avec Jean Bourgeois, la Forbes au Chardonnet, douze heures du refuge au sommet ! Cette année, la Kuffner, 4 h 50′ des Cosmiques au sommet.

 

Des pitons ont disparu à Freyr.
Trois comitards ont porté plainte à la gendarmerie et ont indiqué 4 suspects, cités à cause de leur attitude pas assez conservatrice en matière de pitonnage.
Quelle que soit l’opinion qu’on ait sur le problème des pitons, la quasi-totalité des membres du CAB est opposée à ce recours à la gendarmerie. C’est bien le comble de la stupidité. D’ici quelques années l’Etat confisquera les rochers de Freyr et les gèrera à sa façon. Les grimpeurs actifs sont furieux. Il y a un bon groupe de jeunots, très forts, sympathiques et dont certains promettent en montagne. La relève se fait attendre !
Les gendarmes sont venus perquisitionner au domicile des 4 suspects. L’un d’eux, qui avait postulé une place d’enseignant, ne l’a pas encore obtenue, étant « suspecté de vol ».

 

Toute cette histoire est malheureusement véridique. Quelle mentalité indigne de dirigeants d’un club sportif. Nous allons d’ailleurs peut-être fonder un groupe indépendant, réservé aux alpinistes actifs (indépendamment de leur force). Mais motus, ce n’est encore qu’un projet. Je t’en reparlerai.

 

Avec mes meilleures amitiés

 

Claudio

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