Pitons d’assurance et pitons de progression (mars 1964)

par Claudio Barbier,
article publié dans le bulletin du C.A.B., mars 1964

Essayons de définir le sport de l’escalade : l’escalade consiste à gravir une paroi de rocher en utilisant les aspérités et les renfoncements naturels. Les pitons et autres procédés analogues ne doivent être utilisés pour la progression que dans les cas d’absolue nécessité.

Actuellement est appelée « libre » toute voie faisable sans étrier. Une voie de 30 mètres avec 20 pitons, effectuée sans étrier, est considérée comme « libre ». Une voie de 30 mètres avec un seul piton, mais qui nécessite l’emploi d’un étrier, est considérée comme voie d’escalade mixte. Or, les deux voies ont un point commun : enlevez la ferraille et plus personne ne passera.

Tous les grimpeurs de Freyr m’accorderont que le pitonnage y est presque toujours fort généreux. Lionel Terray me disait en octobre 1963 : « De toutes les écoles d’escalade que je connaisse, c’est à Freyr qu’il y a le plus de clous ! »
D’une part, ce pitonnage surabondant augmente la sécurité. D’autre part, de nombreux grimpeurs se lancent dans des voies qui dépassent leurs capacités. Ils se servent sans scrupules de ces pitons comme prises artificielles. Or, en escamotant au moyen de pitons la difficulté des passages, on ne peut estimer avoir réellement réussi une voie. Cela équivaut à se titrer à une corde fixe !

Pour sa sécurité, un grimpeur consciencieux mousquetonnera les pitons.
Mais il s’abstiendra rigoureusement de les utiliser pour faciliter sa progression (sauf, bien sûr, si le piton est indispensable). Il faut un certain effort de volonté pour ne pas se tirer à un piton.
Mais le risque est nul, puisque les passages effectués « sans » se font évidemment sous la protection de la corde passée au piton que l’on se propose de « sauter ». Le plus souvent (cas des pitons auxquels on se tire) le grimpeur sera assuré d’au-dessus de lui et, dans le cas le plus défavorable, par un piton situé à la hauteur de ses pieds. Donc, en toute circonstance, de très près. Avantage pour le second de cordée : plus de problèmes pour récupérer les mousquetons. Il les enlève avant d’effectuer le passage.

Les échelles de clous, dessin de Piero Rossi (alias « Rougepierre »), 1963

A première vue, de nombreux passages semblent infranchissables sans moyens artificiels. En fait, les pitons réellement indispensables représentent l’exception. Pour faciliter la pratique de l’escalade pure, il faudrait peindre en rouge les pitons de progression. Comme ce travail demandera un certain temps, je donne ci-après une première liste de voies, avec les indications relatives aux pitons d’assurance ou de progression.

Si, après une certaine distance, le grimpeur se sent fatigué, il s’installera sur un étrier pour se reposer. Après quoi, il redescendra sous le piton et reprendra l’escalade.

Certains diront : « Je me moque bien des règles de style que l’on voudrait instaurer. Je grimpe pour mon plaisir! » Certes, chacun est libre. Mais enfin, le plaisir de l’escalade consiste justement à vaincre les difficultés que présente le rocher. Alors, pourquoi éluder ces difficultés en se tirant aux pitons d’assurance ? Pourquoi tricher ?

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Voies n’exigeant AUCUN piton de progression
Mérinos – Départ Radis – Départ Duval – Ch. des Lillois – Vingt-cinq – Crêpes moyennes – Crêpes supérieures – Crepes flambées – Familiale et var. – Fissure de V. – 1ère longueur du Petit Navet – Jaunisse – Marmotte – Primus – Radius – Casserole – Asiatique.

Cinq-Anes – Pino-Prati – Taches Rouges.
Grunne.

Al Lègne – Bilingue – Spigolo – Voie Lecomte – Direttissima (ainsi que la var. inférieure et la nouvelle sortie) – Zig-Zag – Vacherie – Angélique – Six Jours.

Autours.
Pinçonnettes.
Arête de la Louis-Philippe – VN – Mignonne.
Ancienne Jeunesse (y compris le surplomb) – Var. de départ de l’Ancienne – Yank – Traversée Sans Nom – Barbe – Belle-mère – Grand-mère – Grand-père – Mélampyre – Nouvelle Jeunesse – Traversée Serge – Timmerisée – Belle Récompense – Assiettes – Culbute – Chauve-souris.

Surpitonnage (Guy Delaunay, « Du mou sur la rouge »)

Voies exigeant 1 piton de progression

Anciens Belges : le premier piton de la deuxième longueur.
Dentier : le deuxième piton.
Hypothénuse : le premier piton.
Départ Lucky : le premier piton.

Voies exigeant 2 pitons de progression

Hermétiques : le dernier piton de la première longueur et le dernier piton de la traversée terminale.
Sanglante : le double piton dans le pan de droite du dièdre initial et le piton dans le petit dièdre terminal.
Pape : le premier piton (on est parvenu à s’en servir uniquement comme prise pour le pied ; probablement est-il possible de ne pas l’utiliser du tout). Le troisième piton de la dernière longueur.
Trois Saurets : le piton après le pas de traversée vers la gauche et le couplage.
Fakir : les deux pitons précédant la petite traversée qui mène à la cheminée (dans la deuxième longueur).
Mimi : le piton à anneau et le couplage.

Voies exigeant 6 pitons de progression (et des étriers)

Le Toit du Monde : négliger le premier, utiliser le 2e, 3e, 4e, négliger le 5e et le 6e, utiliser le 7e et le 8e, négliger le suivant, utiliser le petit piton à anneau, négliger le dernier (il est probablement possible de passer en utilisant un étrier uniquement au petit piton à anneau).

Voies exigeant 7 pitons de progression

Super Vol-au-vent : 1e longueur : le quatrième piton (comme prise de pied uniquement), 2e longueur : le U plié, les deux pitons suivants (et un piton vers la fin de la longueur), 3e longueur : le piton précédant le gollot (le gollot n’est pas nécessaire),  4e longueur : l’avant-dernier piton.

Freyr, rocher de l’Al’Lègne, la « Directe » ou « Direttissima » (ph. D. Demeter)

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