Claude est né à Bruxelles le 7 janvier 1938.
Sa mère très malade. Claude est confié à sa grand-mère.
Premières années à Gand. Ses parents estiment qu’un citoyen belge qui veut un avenir doit connaître parfaitement les deux langues nationales. Puisque Claude vit en milieu francophone, ils l’inscrivent dans une école flamande et non des moindres : collège St-André de Loppem, près de Bruges, tenu par les pères bénédictins.
Il souffre de la discipline. Il se rebelle, se débat… et, de renvois en renvois, de révolutions en agressions, il termine ses humanités chez les jésuites, à Mons.
Première visite « à la montagne » en 1953 (il a 15 ans). Ses parents l’obligent à faire une vraie course avec un vrai guide qui devait lui enseigner combien la montagne est dangereuse. En 1954, il parcourt la voie normale du Gspaltenhom avec un guide. En 1955, la famille est en vacances à Cortina d’Ampezzo. Les parents cherchent un guide connaissant un peu le français.
Avec Lino Lacedelli, ils grimpent dans les Cinque Torri, La Tofana,…
Puis Claude a grimpé sans guide.
Il sait obstinément que quoi qu’il advienne, il grimpera, toujours et partout.
De 1956 à 1958, il se préparera, se testera dans les grandes voies dolomitiques.
En famille, ce n’est pas drôle. Malgré ses études brillantes mais tumultueuses, il s’oblige, vu ses dispositions littéraires, à tenter l’université (philologie romane). Mais son temps à lui ne correspond pas à la norme. Comme il n’est pas doué pour l’escalade, il doit s’entraîner au maximum : il arrive à Freyr le vendredi soir et ne quitte les rochers que le dimanche soir, temps que ses condisciples consacrent à l’étude.
En juin, quand les autres préparent leurs examens, il est déjà dans les Dolomites… et quand il revient en octobre, les cours ont commencé sans lui.
Il quitte la faculté. Son père lui trouve un emploi dans un bureau. Horreur ! Les murs sont peints en vert et ses collègues sentent mauvais ! Il tient une semaine.
Ses parents, résignés, prennent une décision fort courageuse pour l’époque : ils acceptent leur fils tel qu’il est. Ils lui assureront son existence.
A Freyr et ailleurs, il cherche de nouvelles voies. Au printemps, il fait son jardinage : houes, scies, pioches, haches, courbets et sécateurs font partie de son matériel d’escalade.
De 59 à 70, c’est la période des exploits.
De mai à octobre, il est dans les Dolomites. Il grimpe chaque jour, presque, quel que soit le temps. Impossible de décrire ici son palmarès : sont-ce 600, 700 ou 900 voies ? Des premières étonnantes aux solos les plus époustouflants, des horaires divins ou démoniaques aux rires les plus fous, Barbier poinçonne le temps de sa présence. En Belgique, il veut peindre en jaune les pitons qui ne doivent servir qu’à l’assurage ! De là l’expression grimper « en jaune ». Dans les nouveaux topos (la plupart réalisés par lui) la notion « jaune » n’est écrite que lorsque la voie a été intégralement réalisée dans ce style.
A partir de 1971, il se calme. Certes, il grimpe encore, certes parfois en solo. Mais il n’a plus le battant. Il cherche d’autres voies pour se stabiliser. Il devient aigre-doux. Taiseux. Pas bien dans sa peau. Son renouveau vient d’une rencontre avec Anne Lauwaert, avec qui il retrouvera « La Grande Joie ». Ils vivent ensemble une période pétillante. Et retournent dans les Dolomites grimper « comme avant », dans la folie, dans l’exubérance.
Le 27 mai 1977, on le trouve emmêlé dans son échelle de spéléo. Il nettoyait, il jardinait encore. Rocher du Paradou, Yvoir sur Meuse.
Dix années ont passé. Anne, retirée dans la campagne tessinoise tente d’amortir le choc, de le maintenir en dehors d’elle. Elle possède toutes les archives de Claude : son infinie bibliothèque, ses carnets de courses innombrables (il notait tout : date, voie, manière et partenaire, anecdotes survenues en cours d’ascension). Enfin, elle écrit : « La Voie du Dragon », biographie de Claudio Barbier, paraîtra cette année, sans doute.
Pendant trois ans, elle a mis en forme, répertorié, trié (parmi des milliers de notes et des milliers de diapositives) ce qui sera donné à lire et à voir. Ce qui fera s’étonner. Ce qui fera se taire. D’admiration.
Elle parcourt l’Europe avec Claudio sous le bras, caché dans les pages et dans un grand projecteur.
Jean-Claude Legros (avec l’aide du livre en gestation : La Voie du Dragon, d’Anne Lauwaert).
(Extrait d’un article paru dans le magazine Vertical n° 28, juillet-août 1990)