QUE S'EST-IL PASSÉ À MARCHE-LES-DAMES LE 17 FEVRIER 1934 ?
4. Anomalies toujours...
- Là où a été retrouvé le Roi (5), la ravine n'est pas très large. Le corps se trouvait en plein milieu de celle-ci. La route est juste en contrebas, à une trentaine de mètres. N'est-il pas curieux que l'on ait mis si longtemps à le trouver (neuf heures) ? Outre les recherches effectuées de 17 h à 21 h par Van Dycke et trois personnes rencontrées sur place (les frères Jassogne), les recherches intensives, avec au moins dix-sept chercheurs et notamment des gendarmes du lieu, ont duré cinq heures encore avant que le corps ne soit découvert.
Xavier de Grunne lui-même, qui participa activement aux recherches, déclara être redescendu par cette ravine entre 23 h et 23 h 15. Il serait donc passé près du corps sans le voir…

- Alors que, selon le médecin présent au moment de la découverte du cadavre (le docteur Nolf), la blessure béante avait dû provoquer une abondante hémorragie, le même médecin affirme n'avoir constaté aucune flaque de sang sous la tête. Or, vu la nature des lieux (bien décrite par le juge d'instruction), ou bien la tête reposait sur un affleurement rocheux, ou bien le sol à cet endroit était terreux et recouvert d'une couche de feuilles mortes humides. Dans les deux cas, n'aurait-il pas dû y avoir sous la tête du Roi une importante quantité de sang ?…

- Selon le dossier officiel, il y aurait eu trois pierres tachées de sang, dont l'une présentée comme celle à laquelle le Roi se serait agrippé près du sommet de l'Aiguille, et qui aurait chu avec lui.
Ces pierres, malgré leur importance capitale, ont curieusement disparu sans laisser la moindre trace. Il n'en reste que des photos. Toujours selon le dossier officiel, le "bloc fatal" a été retrouvé dans la pente, un mètre cinquante plus haut que le corps. Ce bloc était ensanglanté et on y a découvert un poil provenant de la casquette du Roi (casquette qui a été retrouvée plus haut dans la pente).

Le moins que l'on puisse dire, sur base de ces éléments, c'est que ce bloc s'est acharné sur le Souverain ! En effet, selon la version officielle de l'accident, Albert s'agrippe à un bloc, celui-ci cède, le Roi tombe, se fracasse la tête sur la paroi rocheuse quelques mètres plus bas, rebondit dans la ravine et va retaper de la tête non pas sur un autre rocher mais… sur le bloc détaché du sommet, bloc qui, entre-temps, après avoir peut-être endommagé sa corde au passage, est arrivé là avant lui et s'est arrêté à mi-pente malgré la raideur de celle-ci… Quant à la casquette, qui aurait elle aussi heurté le même bloc au cours de la chute, elle ne porte curieusement aucune trace de sang…

- Un habitant du voisinage, Charles Hennuy, prétend avoir entendu claquer un coup de feu vers 16 h, le jour du drame, dans le secteur où a eu lieu l'accident. Mais ce témoin ne sera jamais entendu par les enquêteurs…

- Aucun constat n'est fait par la gendarmerie lorsque le corps est retrouvé. Le premier juge d'instruction n'arrivera sur place que 1 h 35 après le départ de la dépouille mortelle vers Bruxelles. Il ne pourra que visionner les lieux, en l'absence du corps, à la lueur de torches électriques…

- Aucune reconstitution des faits n'aura lieu malgré la présence dans le dossier d'éléments incohérents, contradictoires ou contestés.

- L'expertise judiciaire sera confiée à un ingénieur technicien totalement incompétent en matière d'escalade alpine.

- Aucun médecin légiste n'examinera le corps. Les deux juges d'instruction non plus. Aucune photo n'est prise de la (ou des) blessure(s) à la tête. Aucune autopsie n'est pratiquée. Les seuls médecins qui voient le défunt sont les deux médecins de la famille royale, et un professeur qui enseigne l'anatomie à l'Université de Bruxelles. Dès le 18 février, le corps est embaumé par celui-ci. Toute possibilité d'examen (telle que par exemple l'analyse des taches de sang trouvées sur les pierres et sur quelques feuilles mortes, et leur comparaison avec le sang du Roi) devient dès lors impossible…

- Des grimpeurs du Club Alpin Belge viendront sur place, certains assez rapidement, pour vérifier la manière dont se serait produit l'accident. Tous confirmeront, paraît-il, la version établie (imposée ?) dès le premier jour par leur Secrétaire Général, le comte Xavier de Grunne. Belle unanimité, alors qu'aucun d'entre eux n'a pu voir le bloc descellé qui aurait provoqué la chute du Roi, ce bloc ayant été saisi et emmené aussitôt par le premier juge d'instruction, sans que l'on puisse savoir ce qu'il en advint par la suite…

- Le 19 février, au lendemain de la découverte du corps, avant même que toute enquête ne soit menée, le Conseil des Ministres délibère et consigne ce qui suit (délibération portant le n° 86) : "Le Conseil estime qu'il y aurait lieu de poursuivre toute personne qui répandrait des bruits calomnieux sur les circonstances qui ont entouré la mort du Roi."

On peut s'interroger sur ce curieux empressement, ainsi que sur ses bases légales dans un Etat où sont constitutionnellement garanties les libertés de pensée et d'opinion, et où est prévue la séparation des Pouvoirs Exécutif et Judiciaire…
 
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